Les clauses d’arbitrage ne sont pas (plus) opposables aux consommateurs dans les contrats internationaux

février 8, 2021

C’est un arrêt important, et très motivé, qu’a rendu la Cour de cassation (1ere Chambre civile) le 30 septembre 2020, relativement à l’opposabilité aux consommateurs des clauses d’arbitrage comprises dans les contrats internationaux. Dans un arrêt de principe, la haute Cour considère que ces clauses doivent être considérées comme abusives et ne peuvent être opposées aux consommateurs. Par conséquent, elle écarte le principe de priorité de l’arbitre pour statuer sur sa propre compétence, posé à l’article 1448 du Code de procédure civile (principe dit de « compétence-compétence »).

Ce revirement est important, car traditionnellement, la Cour de cassation faisait application de cet article, considérant que la clause d’arbitrage n’était pas « manifestement inapplicable », laissant ainsi à l’arbitre la priorité pour décider s’il s’estimait compétent (arrêts dit « Jaguar », Civ. 1re, 21 mai 1997, nos 95-11.429 et 95-11.427, illustré par un litige opposant un constructeur automobile à un consommateur, en relation avec l’achat d’un véhicule en vertu d’un contrat international).

Cependant, après les arrêts Jaguar, la CJUE avait eu l’occasion de faire valoir son hostilité à l’égard de telles clauses lorsqu’elles sont opposées à des consommateurs. Dans un arrêt Mostaza Claro (C-168/05), elle avait renvoyé aux droits internes des Etats membres, tout en estimant que les modalités procédurales offertes par les Etats ne devaient pas « rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire » aux consommateurs.

Elle renvoyait donc au juge national la faculté de mettre en œuvre sa législation sur les clauses abusives, et donc de décider, au cas par cas, si le clause d’arbitrage devait être considérée comme abusive, en rendant l’exercice de ses droits par le consommateur « excessivement » difficile.

C’est bien ce qu’a décidé la Cour de cassation, en écartant la méthode du cas par cas, et estimant qu’en tout état de cause une telle clause doit être écartée dans les relations avec un consommateur.

En droit interne, le consommateur se trouve protégé par l’article 2061 du Code civil, qui rend inopposable au consommateur les clauses d’arbitrage, ce qui revient en pratique à lui laisser la possibilité d’un choix entre les tribunaux nationaux ou la procédure d’arbitrage prévue dans le contrat. Mais cet article était estimé non applicable aux contrats internationaux.

La Cour de cassation vient combler ce vide en alignant les contrats internationaux de consommation avec les contrats internes.

On pourra faire le parallèle avec le contrat de travail. La Cour de cassation avait retenu cette solution depuis un certain temps, en estimant inopposable au salarié la clause compromissoire contenue dans un contrat de travail international (Soc. 16 févr. 1999, n° 96-40.643).

La Cour de cassation, pourtant traditionnellement très favorable à l’arbitrage, ce qui se traduit par une position solide admettant peu de dérogations à l’article 1448 du Code civil, construit peu à peu un ensemble de dérogations propres à assurer la protection de la partie « faible ».