Dans un arrêt du 5 septembre 2019 (SASU Charlivari c. Sté Equivalanza, n°17/03703), la Cour d’Appel de Paris rappelle l’état de sa jurisprudence, qui n’allait pas de soi, tant les débats ont été vifs sur la question de savoir si était arbitrable un litige relevant des articles 442-I et suivants (anciens article L442-6) du Code de commerce.
En effet, il avait été plaidé, dans une série de contentieux, que ces dispositions du code, qui traitent des pratiques restrictives de concurrence, relèvent d’un contentieux d’ordre public qui ne devrait pas être soumis à l’arbitrage.
On sait que depuis au moins 1990, la Cour d’Appel de Paris admet que les arbitres peuvent mettre en œuvre les dispositions d’ordre public, sans que ceci ne remette en cause leur compétence (CA Paris, 19 mai 1993, Labinal, n°9221091). Mais avec l’arrêt Doga, la Cour de cassation devait aller plus loin et considérer que le fait que les dispositions des articles L442-6 et suivants fussent qualifiés de loi de police n’excluait aucunement qu’ils puissent être examinés par des arbitres, de sorte que la matière est parfaitement arbitrable (Civ.1, 8 juillet 2010, Doga, n°09-67013).
Il en résulte qu’en présence d’une clause d’arbitrage, le juge judiciaire est tenu de laisser l’arbitre statuer en priorité sur sa propre compétence, conformément à l’article 1465 du Code de Procédure Civile, et qu’il doit donc se déclarer incompétent, conformément à l’article 1448 du même code. Il est vrai que les articles L442-I et suivants du Code de commerce présentent une spécificité, en ce qu’est admise l’action du ministre de l’économie, en particulier à travers la DIRECCTE, pour faire cesser une pratique prohibée par ces textes, ou bien solliciter l’allocation d’indemnités pour la victime et le prononcé d’amendes civiles.
Cette intervention propre du Ministre, intervenant par voie de saisine du tribunal de commerce, est en revanche soustraite à la compétence arbitrale, comme l’a rappelé l’arrêt Apple c. Ministre de l’Economie (Civ.1, 6 juillet 2016, n° 15-21811).
Dans l’arrêt commenté, la Cour prend soin de qualifier l’action en rupture de relations commerciales établies, en retenant qu’il s’agit d’une action de nature contractuelle. Elle s’appuie sur la jurisprudence de la CJUE qui, dans son arrêt du 14 juillet 2016 (n°C-196/15) l’avait qualifiée ainsi.
Ce faisant, la CJUE allait à contre-courant de la qualification retenue par la Cour de cassation pour ce type de contentieux, puisque cette dernière retenait traditionnellement une qualification délictuelle (en dernier lieu, Com. 11, janvier 2017, n°15/13.780).
Il n’était sans doute pas utile, dans le cas rapporté, de qualifier l’action, puisqu’il était suffisant de retenir la priorité de l’arbitre pour statuer sur sa propre compétence, en s’assurant qu’elle entrait dans le champ d’application de la clause d’arbitrage.