Rupture brutale des relations commerciales et abus de position dominante

février 12, 2020

Jugement : Tribunal de commerce de Paris, 16 janvier 2020, n°2020001069

Apport principal du jugement : l’article L. 420-2 du Code de commerce prohibe l’exploitation abusive par une entreprise d’une position dominante sur un marché, et précise les comportements qui peuvent caractériser un tel abus : le refus de vente, les ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires, ou encore la rupture de relations commerciales établies. Ce jugement d’espèce fournit un exemple de comportement abusif d’une société dominante sur un marché caractérisant une rupture brutale des relations entre les deux parties. Il permet ainsi de mieux saisir l’articulation entre rupture brutale et abus de position dominante.

Le tribunal de commerce de Paris illustre dans son jugement le principe clairement dégagé par la Cour de cassation dans un arrêt du 19 janvier 2016 (chambre commerciale, n°14-21.670) selon lequel l’article L. 420-2 du Code de commerce ne trouve à s’appliquer que si la rupture brutale de la relation commerciale a eu un objet ou des effets anticoncurrentiels, avérés ou potentiels. Ainsi, une rupture brutale ne peut être, à elle seule, considérée comme abusive mais peut, en cas d’atteinte au marché, constituer un abus de position dominante.

Cela est bien le cas en l’espèce. Les relations commerciales étaient établies depuis plusieurs dizaines d’années entre Coca-Cola et Intermarché, la société de boissons fournissant le distributeur. Une rupture des relations annoncée par Coca-Cola, avec un préavis fixé à seulement neuf jours, entraînant pour Intermarché une rupture de stock et un risque de perte de clientèle (compte-tenu de la part de marché largement majoritaire détenue par le distributeur sur le marché des colas, fixée entre 75% et 90%), relève d’une rupture abusive des relations commerciales que seule une société avec une position dominante sur le marché pourrait pratiquer.

Reste à voir si la cour d’appel de Paris éventuellement saisie confirme ce jugement.

https://www.doctrine.fr/d/TCOM/Paris/2020/U953B021D5E565BE4A56A

Ces articles sur le droit commercial peuvent vous intéresser :

Retour sur les clauses attributives de juridiction optionnelles

Inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage en cas de contradiction avec une clause attributive de juridiction