Dans un arrêt en date du 11 décembre 2014 (n°1326893), deux époux, propriétaires d’un studio, demandaient à leur assureur de garantir la réparation d’un dégât des eaux provoqué dans l’appartement situé au dessous du leur.
La compagnie d’assurance s’opposait à cette demande en invoquant d’une part, l’exclusion conventionnelle des dommages résultant d’un défaut d’entretien incombant à l’assuré et connu de lui et d’autre part l’absence d’aléa dans la survenance du sinistre.
En effet, il était avéré, selon les termes de la Cour d’appel, que « les époux ont été informé dès mai 2005 de la nécessité d’une réfection complète de leur installation en raison des désordres d’infiltrations répétés constatés depuis un an, et qu’ils n’ont fait procéder qu’à des réparations provisoires et inappropriées par des entreprises insuffisamment compétentes ».
Au vu de ces éléments, la Cour d’appel rappelle qu’un contrat d’assurance est par essence aléatoire, de sorte qu’il ne saurait couvrir un risque dépendant de la seule volonté de l’assuré et considère l’assureur ne saurait garantir un risque potestatif.
La Cour de Cassation ne rejette pas explicitement cet argument de l’absence de l’aléa mais casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel, pour manque de base légale, au visa des articles 1104 alinéa 2 et 1964 du Code Civil, considérant qu’elle s’est déterminée par des motifs impropres à caractériser l’absence d’aléa dans la survenance du sinistre.
Deux voies semblaient déjà ouvertes à l’assureur pour justifier son refus de garantie : exciper d’une stipulation conventionnelle excluant la prise en charge des dommages survenus ou se prévaloir de l’exclusion légale figurant à l’article L 1131, alinéa 2, du Code des assurances et prohibant la couverture des sinistres provenant d’une faute intentionnelle de l’assuré.
L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation, le 11 décembre 2014 semble ouvrir une troisième voie. L’arrêt d’appel est censuré, mais en raison d’un simple manque de base légale, ce qui semble indiquer que la Cour de Cassation n’écarte pas la possibilité d’une libération de l’assureur par application des textes ressortant du droit commun (article 1104 alinéa 2 et 1964 du Code civil), lorsque l’aléa a disparu en cours de contrat.
Les articles 1104 alinéa 2 et 1964 définissent le contrat aléatoire comme « une convention réciproque, dont les effets quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties soit pour l’une ou plusieurs d’entres-elles, dépendent d’un événement incertain ».
Cependant, ces articles étaient appliqués par la Cour de Cassation pour justifier de la nullité du contrat d’assurance, lorsque l’aléa n’existait pas au moment de la conclusion du contrat (Voir Cass 1ère civ 25 janvier 1989, n°8611204, 9 mars 2004, n°0112932).
Or, en l’espèce le contrat d’assurance était dépourvu d’aléa, non pas au moment de la souscription du contrat, mais ultérieurement, alors que la police était déjà en vigueur. Or, dans ce cas précis, de la disparition de l’aléa en cours de contrat, la Cour de Cassation appliquait l’article L1131 du Code des Assurances considérant que la faute intentionnelle visée par le texte peut s’entendre de la faute ayant privé d’aléa la réalisation du risque garanti (Cass 2ème civ, 22 septembre 2015 n°0417232).
Ainsi, l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 11 décembre 2014 va à l’encontre de ses décisions précédentes, ce qui permettrait à l’assureur, si cette jurisprudence persiste, de prouver que la survenance du sinistre était dépourvue d’aléa en raison des fautes commises par son assuré après la conclusion de la police, sur le fondement des articles 1104 et 1964 du Code civil, pour refuser sa garantie.
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