Par un arrêt en date du 19 décembre 2012 (n° 1027.474), la Première Chambre Civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’admission d’une demande en nullité d’une sentence arbitrale, basée sur le défaut d’indépendance d’un arbitre, argument soulevé tardivement devant le tribunal arbitral.
En l’espèce, le 14 décembre 2007 Rocco Giuseppe E Figli Spa (Rocco), une société de droit italien, a conclu un contrat d’achat de 6000 tonnes de blé dur avec la société Agralys. Suite à l’inexécution de ce contrat par la société italienne, Agralys a saisi la chambre Arbitrale de Paris, en application de la arrêt en date du 19 décembre 2012 (n° 1027.474). Les arbitres, tous de nationalité française, ont été choisis à partir des listes tenues par la Chambre Arbitrale de Paris. Ils étaient salariés de sociétés faisant partie du groupe France Farine, auquel appartenait la société Agralys. Toutefois, les listes d’arbitres ne précisaient pas le nom de leurs employeurs.
Par décision rendue en premier degré le 27 février 2009, le tribunal arbitral a débouté la société Agralys de sa demande. Celle ci a demandé l’examen de l’affaire au second degré, conformément au règlement de la Chambre. En cours de délibéré, soit en fin de procédure, le 28 septembre 2009, la société Rocco a mis en doute l’impartialité et l’indépendance des arbitres et a demandé que soient établies des déclarations d’indépendance. Cette demande a été refusée par le président de la chambre Arbitrale de Paris.
Par sentence en date du 1er septembre 2009, le tribunal arbitral de second degré a condamné la société Rocco.
Rocco a formé un recours en annulation contre cette décision auprès des juridictions françaises, qui rejetteront sa demande en annulation.
Devant la Cour de cassation, la société Rocco faisait valoir qu’il appartenait aux arbitres de soulever toute circonstance de nature à provoquer dans l’esprit des parties un doute quant à leurs qualités d’impartialité et d’indépendance, solution conforme à la jurisprudence rigoureuse des tribunaux français imposant un tel devoir de diligence de la part des arbitres.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, retenant que selon le principe de loyauté procédurale, il appartient à celui qui invoque tardivement un tel grief de prouver qu’il n’en aurait pas eu ou pu connaissance antérieurement. Or, en l’espèce, la Cour d’appel avait estimé que la défenderesse « dès le début de la procédure d’arbitrage (..) ne pouvait ignorer que, s’agissant d’un arbitrage corporatif, que les arbitres, ou certains d’entre eux, pouvaient avoir des liens professionnels, enfin qu’elle s’était abstenue de demander leur récusation, alors que le règlement d’arbitrage du centre d’arbitrage auquel elle avait adhéré le prévoyait, se bornant cinq jours avant le prononcé de la sentence à exciper d’un vent de rumeurs ».
Cet arrêt invite les parties à soulever sans tarder les griefs tirés d’un défaut d’un défaut d’indépendance, dès qu’ils en ont connaissance ou peuvent avoir des doutes, en respectant les délais posés par le règlement d’arbitrage applicable pour la procédure de récusation. Faute de le faire, ils s’exposent à ce que leur demande soit déclarée irrecevable, car tardive.
Incontestablement, la Cour de cassation cherche à rééquilibrer sa position en la matière : si les arbitres ont une obligation de révéler toute circonstance de nature à créer un doute dans l’esprit des parties quant à leur indépendance, inversement il appartient aux parties de soulever cette question sans attendre dès qu’elles ont connaissance de faits de nature à justifier une telle suspicion, et user des voies de récusation prévues à cet effet.
Faute de le faire, elles s’exposent à ne pas pouvoir invoquer l’argument au stade de l’action en nullité ou en exequatur.
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