Revente hors réseaux de distribution autorisée : condamnation de distributeurs en ligne pour concurrence déloyale (CA Paris, 3 octobre 2014, n°15728)
Un opérateur offrait à la vente sur son site internet des parfums sous des marques Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands, en précisant que ceux-ci étaient authentiques alors qu’il n’était pas vendeur agréé de ces produits. Il s’approvisionnait auprès de trois fournisseurs agrées. C’est dans ces conditions que les Sociétés Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands l’ont fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque et concurrence déloyale.
Décision de la cour d’appel sur l’acte de concurrence
La Cour d’appel de Paris a considéré que l’opérateur avait commis des actes de concurrence déloyale à l’égard des Sociétés intimées en vendant ces produits par l’intermédiaire de son site internet « sans avoir la qualité de distributeur agrée dont la licéité des réseaux de distribution sélective fondée sur des caractères objectifs n’est pas contestée, l’ensemble de ces actes ont porté atteinte à l’image de marque de leurs produits, ont ruiné les efforts mis en place pour maintenir leur image de marque et pouvait nuire à la qualité de ceux-ci ».
Décision est critiquable à plus d’un titre
L’interdiction de revente en ligne faite à des distributeurs constitue une restriction de concurrence déloyale (CJUE, 13 octobre 2011, aff C439/09 ; sur lequel s’est alignée la Cour de Cassation (Cass Com 24 sept 2012 n°1214344).
En second lieu le principe est la licéité de la revente hors réseau. Elle ne devient illicite que dans certains cas :
- La violation d’une interdiction de revente hors réseau par application de la théorie de la tierce complicité consacrée à l’article L.442-6, I, 6° du Code de commerce ;
- Une faute de concurrence déloyale par exemple en revendant dans des conditions portant atteinte à l’image de marque des produits normalement vendus sous réseau (conditions dévalorisantes de commercialisation, CA Paris, 18 octobre 2006 n°2006315727) ;
- Le fait de revendre en ligne des produits authentiques, sans supporter les coûts liés à la détention d’un point de vente (Cass. Com, 27 octobre 1992 n°9015831).
Or, en l’espèce, la Cour d’appel affirme de manière péremptoire qu’est déloyal le fait de revendre sur un site un internet des produits authentiques sans avoir la qualité de distributeur agrée, alors même qu’il doit être admis que la revente hors réseau, même en ligne, n’est pas fautive en elle-même.
La Cour d’appel aurait pu retenir une faute de concurrence déloyale en reprochant notamment au revendeur en ligne de vendre sur un même site des produits contrefaits et des produits authentiques, pratique susceptible de porter à l’image de la marque.
Cependant cette décision est peut être rattachée au fait que les produit étaient uniquement distribués en ligne, sans point de vente physique. Certains auteurs recommandent, en effet, un traitement moins favorable pour les pures « e player » soulignant le caractère néfaste accentué par l’effet amplificateur de l’internet.
Il faudrait alors faire une distinction entre les modes de distributions normaux et les modes de distribution en ligne.
L’encadrement des réseaux de distribution par le projet de loi MACRON : projet d’articles L341-1 à L341-4 du Code de commerce.
Le 19 février 2015, l’Assemblée Nationale a adopté un amendement à la Loi MACRON proposant d’insérer dans le Code de Commerce un titre IV relatif aux « réseaux de distribution commerciale » (article L341-1 à L341-4 du Code de commerce).
Le projet de loi Macron
Le projet de loi Macron prévoit, s’agissant de la plupart des contrats assurant l’affiliation d’un commerçant à un réseau (franchise, concession, commission affiliation, gérance mandat), un principe d’échéance et de résiliations communes des contrats constitutifs de la relation. Si l’un des contrats est résilié, les autres contrats le sont également de façon automatique. Cet article irait dans le sens de la décision rendue par l’autorité de la concurrence le 7 décembre 2010 (n°106A26, D.2011.540) sur les contrats d’affiliation dans le secteur de la distribution alimentaire, qui préconisait une harmonisation des modes de résiliation entre la tête de réseau et le membre de celui-ci.
En outre, l’article 341-2 en projet précise que « toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L341-1, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite ». Les clauses de non concurrence et de non réaffiliation contractuelles post contractuelles seraient donc interdites. Il en ira de même, pour les clauses qui prévoiraient un renouvellement tacite desdits contrats.
Il s’agit là encore de reprendre la décision de l’autorité de la concurrence rendue le 7 décembre 2010 (n°106A26, D.2011.540) qui relevait que les contrats d’affiliation contenaient généralement des clauses d’exclusivité et de concurrence ou de non réaffiliation post contractuelle, qui interdisait à un affilié de conclure un contrat avec une autre enseigne pour un autre magasin, objet du contrat, après son expiration, ce qui limitait la concurrence.
Le projet de loi MACRON limite également la durée des contrats visés à l’article L341-1.
L’article 341-3 disposera que « les contrats mentionnés à l’article L.341-1 ne peuvent être conclus pour une durée supérieure à neuf ans et ne peuvent être renouvelés par tacite reconduction ».
Il s’agit ici d’éviter qu’un commerçant se trouve prisonnier de son réseau et ne puisse jamais en rejoindre un autre, ce qui serait un frein à la concurrence et, partant, à la croissance et à l’activité.
Le paragraphe III de cet amendement disposera qu’un décret, pris après avis de l’autorité de la concurrence définira les seuils de chiffres d’affaires en deçà desquels il pourra être dérogé aux règles ci-dessus citées.
Dans son article L341-4, le projet de loi MACRON précisera que les règles citées ci-dessus sont d’ordre public et que par conséquent, « les règles statutaires et les décisions collectives adoptées conformément aux dispositions législatives relatives aux associations et aux sociétés civiles, commerciales ou coopératives ne pourront déroger aux articles L341-1 à L341-3 ».
Enfin, le projet de loi MACRON précise que l’ensemble de ces dispositions s’appliquera à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date de promulgation de la loi pour les contrats en cours dont la durée restant à courir est supérieur à six ans à la même date. Elles s’appliqueront quatre ans après la promulgation de la loi aux contrats dont la durée restant à courir est inférieure à six ans à cette date.
Sur le même sujet :
Complicité d’un tiers et violation d’une obligation de non-concurrence