La CJUE estime non applicables entre Etats de l’UE les traités bilatéraux de protection des investissements

mars 7, 2018

Dans un important arrêt du 6 mars 2018, la CJUE se prononce sur une question sur laquelle elle était très attendue. La difficulté provenait de la mise en œuvre, par des investisseurs provenant d’Etats membres, de traités de protection des investissements à l’encontre d’autres Etats membres ayant accueilli leurs investissements.

La question qui lui était posée était de se prononcer sur l’application, entre Etats membres, de traités de protection des investissements autorisant notamment le recours à l’arbitrage. La CJUE était saisie d’une question préjudicielle par le Bundesgerichthof, Cour suprême allemande,  qui s’interrogeait sur cette question au regard d’une demande d’annulation de la sentence rendue contre la Slovaquie, condamnée par un tribunal arbitral ayant son siège en Allemagne à indemniser une compagnie d’assurances Néerlandaise (affaire Achmea (PCA Case n° 2008/13) sur la base du traité de protection des investissements ratifié entre les deux pays.

La Cour indique qu’il existe une incompatibilité entre les mécanismes mis en place par l’Union, et notamment la compétence de la CJUE pour trancher les litiges relevant du droit de l’Union, et les mécanismes d’arbitrage mis en place par les traités bilatéraux de protection des investissements. La motivation retenue par la Cour tient essentiellement ce qu’elle considère que les tribunaux arbitraux ne sont pas des juridictions d’un Etat membre de l’Union au sens de l’article 267 TFUE, de sorte que la CJUE ne peut exercer aucun contrôle sur la façon dont ils mettent en œuvre le droit communautaire.

Si la Cour admet qu’un tel contrôle peut intervenir par les tribunaux nationaux au stade de l’exequatur, elle souligne que ce contrôle reste superficiel. Bien qu’opérant une distinction entre l’arbitrage commercial – qui ne serait pas remis en cause – et l’arbitrage d’investissement, qui se trouve ainsi visé dans les rapports intracommunautaires, la motivation nous paraît plus que critiquable.

L’enjeu est de taille, et avait déjà donné lieu à l’intervention de la Commission faisant défense à la Roumain d’exécuter une sentences arbitrale rendu sous l’égide du CIRDI, au motif que cette exécution reviendrait à autoriser une aide d’Etat (aff. Micula). La Commission avait déjà exprimé sa position que de tels mécanismes ne devaient pas pouvoir être utilisés entre Etats membres. Comme le soulignent déjà quelques commentateurs, il est vraisemblable que cette décision aboutira à déplacer ce type de contentieux en dehors de l’Union Européenne, ou le risque d’invalidation des sentences consécutif à cette jurisprudence sera moins sérieux.

v. notre commentaire complet :  https://cjoint.com/doc/18_03/HCmkKAE2dUY_CJUE-6-Mars-2018.pdf