C’est un arrêt important qu’a rendu la Cour de Justice de l’Union Européenne le 22 novembre 2022 relativement au registre tenu par chaque Etat membre, conformément à la directive 2015/849 (la « 4ème Directive anti-blanchiment »), contenant des informations sur les bénéficiaires effectifs de sociétés et autres entités juridiques constituées sur leur territoire.
Pour rappel, en vertu de la directive 2018/843 (la « 5ème Directive anti-blanchiment »), qui modifie la 4ème Directive anti-blanchiment, les Etats membres de l’Union européenne ont l’obligation de rendre le registre des bénéficiaires effectifs précité accessible à « tout membre du grand public ».
Dans cet arrêt du 22 novembre 2022, la Cour déclare invalide la 5ème Directive anti-blanchiment au motif que l’accès du grand public à ces informations constitue « une ingérence grave dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel » consacrés par les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (la « Charte »).
Après avoir qualifié la mise à disposition de ces données au grand public de traitement de données à caractère personnel, la Cour de justice a souligné la gravité d’une telle ingérence dans les droits fondamentaux au vu des informations communiquées sur ce registre, mais également du nombre illimité de personnes pouvant les consulter, les conserver et les diffuser.
Selon la Cour de justice, cette ingérence, bien que légale et justifiée par un objectif d’intérêt général – prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme – n’est pas limitée au strict nécessaire et ne présente pas non plus un caractère proportionné.
A cet égard, elle relève notamment que les catégories de données mises à disposition du grand public ne sont pas suffisamment définies ni identifiables.
Par conséquent, après avoir mis en balance la gravité de l’ingérence avec l’importance de l’objectif d’intérêt général visé, la Cour de justice conclut que le régime introduit par la 5ème Directive anti-blanchiment porte une atteinte considérablement plus grave aux droits fondamentaux garantis par les articles 7 et 8 de la Charte que la 4ème Directive anti-blanchiment, sans que cette aggravation soit compensée par des bénéficies éventuels.
Dès lors, cette décision va avoir un impact important dans l’Union Européenne puisque chaque Etat membre devra en analyser les conséquences et les effets sur son registre des bénéficiaires effectifs.
En tout état de cause, il reviendra à la Commission européenne de réformer cette disposition suite à l’arrêt rendu par la Cour.