LA PORTÉE DE L’EXIGENCE DE PROTECTION DE L’AGENT COMMERCIAL DANS L’UNION EUROPÉENNE portée du choix d’une loi moins favorable à l’agent dans un contrat international

juin 25, 2014

On sait que dans sa décision Ingmar du 9 novembre 2000 la CJCE avait jugé que les parties ne pouvaient écarter le régime de protection de l’agent commercial érigé par la Directive du 18 décembre 1986 86/653 sur la coordination des droits des Etats membres sur la protection des agents commerciaux.

Choix par les parties

Il s’agissait en l’espèce du choix par les parties, dans leur contrat, de la loi californienne pour régir une relation contractuelle d’agence commerciale devant s’exécuter dans l’Union Européenne. La Cour devait donc considérer que la Directive devait s’appliquer à titre de loi de police pour assurer la protection de l’agent commercial nonobstant le choix par les parties d’une autre loi. La difficulté d’espèce posait une autre problématique : celle de la concurrence de deux Lois de deux Etats de l’Union Européenne, ayant chacun transposé la Directive, mais l’ayant transposé de façon différente, l’un des deux Etats (la Bulgarie) ayant transposé la directive dans ses disposition minimales, et l’autre (la Belgique) ayant au contraire transposé cette Directive en conférant des droits supplémentaires aux agents au­ delà du minimum imposé par la Directive.

En l’espèce, les parties, un mandant Bulgare et un agent Belge, avaient prévu l’application contractuelle du droit bulgare, combiné à une clause d’arbitrage. Le litige né, l’agent Belge avait porté l’affaire devant les tribunaux belges, et revendiqué l’application du droit Belge, en arguant que ce dernier devait s’appliquer à titre de loi de police et conduire à écarter le droit Bulgare choisi, moins protecteur de l’agent. Nous verrons plus loin la question de la compétence judiciaire, et la mise à l’écart de la clause d’arbitrage en l’espèce (v. ci­ dessous), pour nous intéresser à la question de la loi de police. La CJUE, consultée par renvoi préjudiciel, se voyait en substance saisie de la question de savoir s’il était possible au juge saisi d’écarter la loi choisie par les parties au profit de la loi de police Belge (le droit Belge considérant que sa loi relative à la protection des agents relève d’une telle qualification lorsque l’agent exécute son mandat en Belgique), et ce alors même que les deux lois avaient transposé la même Directive, l’une ayant choisi le socle minimum prévu par la Directive, et l’autre ayant choisi d’assurer une protection plus étendue à l’agent.

Mise à l’écart de la clause d’arbitrage en l’espèce

Dans une décision Unamar du 17 octobre 2013 (C184/12) la Cour répond positivement à cette question, estimant que le mécanisme des lois de police ­défini à l’article 9 du Règlement 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles – permet effectivement au juge de favoriser l’application de sa loi locale ayant transposé la Directive de façon plus large que la loi contractuelle. Nous renvoyons à d’autres commentaires l’analyse théorique de cette question, pour nous concentrer sur les enjeux du point de vue de la technique contractuelle. L’analyse du contenu des lois en présence paraît indispensable à une bonne anticipation d’un contrat international d’agence commerciale, en particulier face à l’enjeu que constitue l’indemnité de fin de contrat. Lorsque le mandat s’exécute au sein de l’Union Européenne, la solution posée par les arrêts Ingmar et Unamar aboutit à devoir respecter l’harmonisation minimale posée par la Directive 86/853, même si la loi d’un Etat tiers est choisie ; mais quelle protection minimale lorsque c’est la loi d’un Etat de l’UE qui est choisie, et que cette loi a transposé la directive ?

L’exercice devrait consister pour le rédacteur à mettre en balance les lois en présente afin de voir si l’une d’elle est une loi de police susceptible de perturber le choix opéré par les parties. Il s’agit à l’évidence d’un exercice difficile, à double titre : d’une part, il n’est pas toujours aisé de savoir si telle ou telle loi est une loi de police, sauf à ce que la jurisprudence ou la loi l’aient définie comme telle ; d’autre part, à supposer même qu’une loi de police existe, il convient d’opérer une comparaison clause par clause afin d’opérer une estimation de l’impact potentiel de la loi de police. En l’espèce, il semble que la comparaison n’était pas très compliquée, car la loi Bulgare ne prévoyait pas expressément d’indemnité de fin de contrat au profit de l’agent, là où cette indemnité était d’ordre public selon le droit belge.